II. Le timbre résiduel

Or dans le timbre, si nous pouvions l’angéliser, serait retrouvable une parcelle de ces trésors premiers. Car le timbre est resté instinct, quelque voilé par les tons puisse-t-il être de nos jours, par les acquisitions de la Terre.
Désensevelir le timbre serait la voie du Tout-Langage. Or comment y arriver?
Dans le timbre, il y a la vérité profonde de chaque être, mais que l’ouïe humaine ne capte pas du dehors. Il faut ici un geste de l’ouïe intérieure pour en saisir les vérités intimes, il faut une divination de l’oreille, une perception phonétique, — qui nous donnera, par le timbre, la qualité intime des êtres.
Dans ce réduit, son et vérité sont en grande partie liés — non point comme chez l’homme de l’Eden pourtant, où ces choses étaient en totale soudure. Mais néanmoins, avec assez de liaison encore, pour que si nous pouvions capter cette essence, tout notre langage pourrait être rénové. Rénové en ce sens qu’on connaîtrait la valeur métaphysique des sons par la correspondance entre le parler de l’âme et les sonorités, par la découverte de ce que l’homme pense dans ces cris intérieurs où la sincérité est assez grande, et où les gestes de l’homme trouvent encore une expression-son à leur mesure.
Les tons ne sont que des gestes imitatifs — tous captés par la vie terrestre. Dans le timbre est le céleste de l’être, et les trésors de l’âme profonde.
Marcher vers le timbre soudé, est le but du chant. Car ce qui nous émeut chez un grand chanteur, c’est cette recherche de résonances intimes sur la trame de la composition — cette tentative de l’homme de faire moduler son timbre, afin que par balancement et bercement, par danse de l’âme, le timbre puisse décanter ses richesses, et la musique métaphysique sourdre.
Et cette musique métaphysique est une cousine distante du parler des premiers temps, où les sons avaient un sens de vérité, où le son exprimait des Idées Universelles, où la seule correspondance était les lois de l’homme en lui-même et de l’homme avec la vie. Le parler alors racontait la vie — par les modulations voyellantes et consonnantes.
Les temps ont changé hélas, et aujourd’hui il n’y a aucune correspondance entre ce que je dis et les sons que j’émets. Je parle comme par télégrammes chiffrés, où je me suis servi à ma guise des appellations, — tel que si je me servais du mot “table” pour dire: le Ministre des Affaires Étrangères de la Grèce.
Et le son originel et la musique métaphysique n’ont pas plus à voir entre eux pour nous aujourd’hui, que n’ont les notions les plus prodigieusement antinomiques de la vie au sein du cerveau humain. L’écart ici est si grand, que la scission est complète. Et un abîme sépare désormais notre parler d’avec les sons qui l’enveloppent.
Il faudrait rénover le langage de fond en comble pour que le plus grand poète de la terre puisse encore mettre une frêle passerelle entre ce que le son veut dire (son sens métaphysique) et la gangue des lettres d’où il émane, — pour qu’il y ait une liaison, une correspondance, une union.
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