Quand j'appelle de la main, c'est une évidence. Tout le monde comprend ce geste, tout l'univers de vivre saisit son sens — de l'oiseau à la tortue, de l'enfant à l'idiot. “Viens” veut dire ce geste même que je fais de la main, — sans parole. C'est une onomatopée muette, le langage des mains et de l'instinct.
Ainsi des milles gestes du corps, que le sourd-muet, inapte à parler, découvre. Il retrouve par là le parler animal d'un seul coup et le langage instinctif gesticulatoire, par la nécessité même de sa vie, qui l'a rendu aveugle et sourd des sons.
Et sauf par les gestes mineurs de ce langage, nous ne comprenons pas le sourd-muet, à moins d'une longue habitude et une initiation avec sa voix. Mais l'animal comprendra divinement pourtant le sourd-muet, — lui qui est tout-instinct, et qui vit d'évidences au sein de l'Évidence Absolue qu'est la vie.
Le surréel, c'est l'évidence, c'est le royaume des évidences.
Dans la feuille qui bouge, dans le ruisseau qui coule, dans la tige qui désigne du doigt, dans la fleur qui se balance, il y a un dégagement d'évidences, une projection de surréel. Mais nos yeux ne saisissent pas ce surréel. Nos sens ne le captent pas. Nous sommes aveugles de ce “sourd-muet” qui parle des mains et du corps dans tout. Le parler universel qu'il exprime nous dépasse. Nous le voyons pas le surréel de la feuille, cette suprême évidence. Seul le geste de l'Apparence nous vient dans les yeux. Le geste au delà du geste pour nous est mort.
Et ce geste-ci pourtant esst le parler universel. C'est l'évidence-geste, captable par tous ceux qui sont dans l'instinct, qui sont revenus à l'Eden de voir.
Décoderions-nous le parler gesticulatoire assimilable au “Viens” de ma main qui appelle et que l'universelle vie contient, — ferions-nous cela, que le moindre battement des paupières des choses nous serait connu dans son sens dernier, et que nous lirions la vie à livre ouvert.
Car il n'est rien des gestes vivants qui n'ait un sens. Tout parle par les moindres geste des choses, mais c'est l'Évidence, et nous sommes dans l'Apparence, et nous ne savons pas voir. Nous ne voyons que le corps des gestes. L'esprit des gestes nous est fermé, parce que la Langue Universelle qui est en nous de naissance, n'a pu jeter son premier cri.
Le premier de tous les parlers est le geste, la parole ne vient qu'ensuite. Le geste est plus compact, plus synthétique, moins discursif que le plus synthétique des cris, et infiniment plus cohésif encore et universel que les mots.
La perte du sens du langage des gestes, par perte de l'instinct de voir, a été le premier grand choc de la Chute.
Les gestes du visage étaient tout le Parler Premier.
Quand ceux-ci devinrent indécodables, le murmure des lèvres naquit. Et l'homme qui ne pouvait plus comprendre les gestes de la feuille, put encore comprendre son cri.
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