IV. Les correspondances musicales colorées

Le grave est constitué par les dernières teintes de nuit du prisme, par le violet tirant sur le noir; et l'aigu est représenté par le jaune ardent, touchant au blanc.
Entre ces extrêmes colorés, tout le clavier des sons-couleurs évolue.
La correspondance colorée est à la base même de la musique. Le jeu des lignes en esprit ne suffit pas. Consciemment ou inconsciemment, nous pensons “couleurs” en écoutant les sons. Sans cela, nous goûterions la musique dans l'abstrait.
Et les paysages que nous voyons en musique ne sont que décantations de la couleur — sans cela, ils ne seraient que des paysages-souvenir, effet de l'esprit distrait, et qui n'auraient rien à voir avec la musique elle-même — simple distraction nous permettant de penser à autre chose.
Mais la couleur musicale n'est pas la couleur courante: elle est une imbibition de l'âme, elle est psychique, elle est surressentielle et mystique.
Elle est intraduisible par le pinceau. Elle est en si total diapason avec les sons, qu'elle s'éteint quand les sons s'éteignent, brusquement, comme une lampe électrique sevrée de courant. Alors que la couleur ordinaire extérieure nous poursuit quelque temps encore après que nous l'ayons vue, la couleur “musicale”, elle, est coupée brusquement avec le son.
Car cette couleur mystique et intérieure est émanée de la musique, et quand la musique cesse, elle disparaît. Après une divine harmonie, on se sent une euphorie dans le corps, mais la tête est en hypnose, on est endormi d'esprit, et tout s'éteint intellectuellement, seul le corps planant dans un bain de fluide.
Les correspondances musicales-colorées sont là étalées dans le monde naturel, mais nous ne nous en apercevons pas.
Le rouge-gorge a le chant même de ses habits rutilants. Il y a ici une correspondance entre son chant et sa vêture, et cela nous permet de voir l'oiseau dans ses roulades, même s'il est éloigné de notre vue.
Et le vent a des couleurs par son son — azuré sur les monts, et jaune dans les plaines, et rouge dans la forge de l'été.
Et le bruit de la feuille a toujours un son vert. Et des pépiements jaunes sont au sein des feuilles sèches. Et un son mauve est parmi les arbres dépouillés d'automne. Et le souffle glacé de l'hiver et toujours blanc, et celui du printemps est un vert éternel verdoyant.
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