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L'enlisement

J’irai même plus loin: dans la plupart des cas, l’IA détruit de la valeur que le logiciel a construit. Le coût marginal nul s’applique au logiciel et à la distribution internet. C’est ce qui a permis la constitution des agrégateurs, des opérateurs cloud ainsi que d’une myriade de sociétés as a service comme MongoDB, Alteryx, ServiceNow, etc. qui dominent l’économie et les indices boursiers. Ces sociétés sont bâties sur les économies d’échelle rendues possibles par le coût marginal zéro. Comme l’a très bien montré Andreessen Horowitz dans , l’intelligence artificielle ajoute un coût variable au logiciel et en détruit les économies d’échelle:
Nous croyons énormément au pouvoir de l'IA pour transformer les entreprises : Nous avons investi dans cette thèse, et nous continuerons à investir massivement dans les entreprises d'IA appliquée et dans l'infrastructure d'IA. Cependant, nous avons remarqué dans de nombreux cas que les entreprises d'IA n'ont tout simplement pas la même construction économique que les entreprises de logiciels. Parfois, elles peuvent même ressembler davantage à des entreprises de services traditionnelles. C'est notamment le cas de nombreuses sociétés d'IA :

1/ Des marges brutes plus faibles en raison d'une utilisation importante de l'infrastructure de cloud computing et d'un soutien humain permanent ;
2/ Des difficultés d'échelle en raison de l'épineux problème des cas marginaux ;
3/ Des fossés défensifs plus faibles en raison de la banalisation des modèles d'IA et des difficultés liées aux effets des réseaux de données.

De manière anecdotique, nous avons observé une tendance étonnamment cohérente dans les données financières des entreprises d'IA, avec des marges brutes souvent de l'ordre de 50 à 60 % - bien en dessous de la barre des 60 à 80 %+ pour des entreprises SaaS comparables. Les capitaux privés en phase de démarrage peuvent cacher ces inefficacités à court terme, d'autant plus que certains investisseurs privilégient la croissance à la rentabilité. Il n'est cependant pas certain qu'une optimisation à long terme des produits ou de la mise sur le marché (GTM) puisse résoudre complètement le problème.
Les sociétés de software sont des bijoux car:
Elles ont un code propriétaire qui constitue leur avantage: l’open source est juste un marche-pied pour le code propriétaire, un faire-valoir du 1 % par le 99 % qui en favorise l’adoption.
Elles peuvent s’étendre et conquérir le monde entier avec des marges brutes de l’ordre de 70 % à 80 %.
L’ajout de l’intelligence artificielle les fait revenir sur terre: il leur faut entrainer les modèles, ce qui requiert de la main d’oeuvre pour étiqueter les données. C’est un chien ? oui/non ainsi que des puces sur-puissantes pour traiter des masses de données incluant souvent de la vidéo. Il faut de plus souvent contrôler le travail de l’IA. 80 % du personnel (35 000 sur 43 000) de Facebook travaille dans la sécurité à surveiller l’épurage imparfait du réseau effectué par l’IA. Ce sont des charges variables considérables. Les données de surcroit sont rarement propriétaires et quand elles le sont n’apportent pas forcément grand chose aux algorithmes. Au final c’est un gouffre pour les sociétés de logiciel sans leur apporter d’avantage supplémentaire, juste une mise à niveau. Les gagnants sont ceux qui proposent la puissance de calcul comme les fabricants de puces (Nvidia, Intel) ou les opérateurs cloud. Le billet d’Andreessen Horowitz fait justement remarquer:
Par exemple, les ressources de calcul nécessaires pour former des modèles d'IA de pointe ont été multipliées par plus de 300 000 depuis 2012, alors que le nombre de transistors des GPU NVIDIA n'a augmenté que d'environ 4 fois !
Comme au temps de la ruée vers l’or, ce sont les fabricants de jeans et de piolets qui se sont enrichis, plus que les chercheurs d’or.
Enfin l’intelligence artificielle, dans la mesure où elle s’appuie sur une montagne de données a une dimension géopolitique: où sont conservé ces données, comment sont elles exploitées ou contrôlées par les autorités locales ? Ces considérations impliquent des frictions et donc des coûts supplémentaires. Au pire, la sanction peut être une interdiction comme pour TikTok en Inde et peut-être aux Etats-Unis.
L’intelligence arificielle peut être illustrée par la course de la Reine rouge dans Alice au pays des merveilles
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"Dans notre pays, dit Alice, encore un peu haletante, on arrive généralement à aller ailleurs - si on court très vite pendant longtemps, comme nous le faisons.

"Un pays plutôt lent !" dit la Reine. "Maintenant, ici, vous voyez, il faut courir le plus vite possible, pour rester au même endroit. Si vous voulez aller ailleurs, vous devez courir au moins deux fois plus vite que ça !"
Dans une récente colonne, Morning Brew s’interroge sur un éventuel nouvel hiver de l’intelligence artificielle, comme on l’a eu dans les années 80. Aura-t-on la courbe classique de l’innovation et sommes nous à son pic ? ?

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L’exemple du Medallion Fund et de Google montrent que l’IA peut être un facteur différenciant à condition de cumuler données, puissance de calcul et mathématiciens, le tout dans une intégration propriétaire. Il y a beaucoup d’appelés mais il y aura peu d’élus...
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