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Contourner les handicaps du secteur du bâtiment en Afrique et dans la Diaspora par les approches collaboratives en architecture et en urbanisme.

Introduction

Le besoin en logements et en infrastructures en Afrique et dans la Diaspora est si grand qu'il demande de construire plus et à une vitesse sans précédent. L'impact du secteur de la construction sur l'économie des pays africains est positif à court terme car il crée des emplois et accueille les activités humaines. A long terme il crée des dépendances et des fragilités économiques, et détruit l'environnement de façon si critique qu'il est indispensable de construire mieux. Enfin, la faiblesse des financements dans les Afriques et les contraintes économiques auxquelles elles sont soumises imposent de construire moins cher.
Ces exigences apparemment contradictoires ne nous invitent pas à renoncer à relever le défi ou à abaisser nos standards, mais à plutôt à penser différemment pour résoudre l’équation complexe qui nous est posée.
En effet, si construire plus vite, moins cher et de meilleure qualité semblent être trois objectifs a priori inconciliables, c'est probablement parce que nous sommes prisonniers par une façon de faire nos ville et bâtiments à laquelle nous sommes habitués.
Notre série de guides EQOSYTEMIK, et ce guide sur les approches collaboratives de production du cadre bâti en particulier s'inspire de l’ingéniosité de la nature et les nombreux porteurs de changement du sud global et d’ailleurs pour présenter des voies alternatives de réponse aux problèmes des villes et de l'architecture dans l'Afrique et sa Diaspora.
L'ingéniosité est en effet une compétence qui malgré ses apparences de spontanéité peut s'acquérir. Elle est un processus qui peut se décrire car il a été systématiquement observé dans le monde vivant, s’incarnant sous la forme d'une apparente tension des écosystèmes vers la survie et le changement perpétuel.
Parmi les processus qui caractérisent les écosystèmes, la diversité, la multifonctionnalité, la redondance, l'ancrage dans le biotope (milieu), ainsi que le fait que de nombreux processus et individus travaillent de concert pour fournir les services environnementaux nous ont poussé à voir dans les pratiques collaboratives sous toutes leurs formes une des manifestations possibles de l'ingéniosité écosystémique dans le cadre bâti.
Ce guide présente une introduction à ces pratiques à destination des personnes limitées dans leurs projets de construction par les contraintes des contextes africains telles que l'accès aux financement, le coût des matériaux, la maîtrise du foncier et surtout la difficulté à construire des projets sains pour l'environnement et créateurs de prospérité localement. Il est également adapté aux personnes qui ne sont pas soumises à ces contraintes mais qui souhaitent faire un meilleur usage des ressources qui sont les leurs pour démultiplier leur impact.
Dans un premier temps, ce document présente les notions générales pour comprendre les pratiques collaboratives dans le domaine architectural et leurs bénéfices. Après une présentation des différentes manières d'intégrer les démarches participatives au projet, il s'intéresse aux opportunités économiques qui peuvent accompagner la démocratisation de ces pratiques. Il se conclut par l’étude de cas d’un projet africain qui a embrassé une approche plus collaborative pour contourner ses limitations financières.

Les aspects de l'approche collaborative en architecture et en urbanisme : groupes d'habitants, coopératives et participation.

Qu'entend-on par approche collaborative ?

Par approche collaborative, nous entendons toute démarche de montage, de conception et de réalisation d’un projet architectural ou urbain qui utilise les bénéfices de la mise en commun des ressources et des individus pour améliorer la qualité de la réponse apportée à la commande.

Quelles sont les similitudes et les différences entre les démarches coopératives et les démarches participatives ?

L’utilité d’une coopérative est la formalisation ou l’officialisation de l'association de tout ou partie des acteurs du projet dans un but de réalisation d’un objectif commun. Elle rassemble généralement les habitants et usagers finaux du projet architectural et urbain.
En parlant de participation on fait plutôt référence au degré et à la nature de l'implication des différentes parties prenantes (principalement les bénéficiaires) dans la conception et la réalisation du projet .
Une démarche de conception et de réalisation participative n'implique pas nécessairement la création d'une coopérative. De même, la création d'une coopérative d'habitants ou d'usagers n'implique pas forcément la participation de ses derniers à la conception et à la réalisation du projet architectural ou urbain.
Dans tous les cas, on peut parler de groupes d'habitants ou de groupes d'usagers lorsqu'on observe que ces derniers agissent de manière concertée dans le cadre du projet.

Qu'est-ce qu'une coopérative ?

Une coopérative est une entité légale encadrée par la loi


Les coopératives sont des sociétés ou entités légales possédées et gérées démocratiquement par leurs membres.
Les traits distinctifs d'une coopérative sont sa gestion démocratique et son but non-lucratif. Il est cependant possible pour une coopérative ( en tant que personne morale) de s'impliquer dans des activités qui génèrent des profits afin de financer son propre fonctionnement. Elle peut aussi avoir pour objet le soutien et la promotion des activités à but lucratif de ses membres.

Les lois encadrant les coopératives varient d'un pays à l'autre.


Certains pays disposent de lois encadrant spécifiquement les coopératives d'habitat. Dans ce cas, les coopératives sont souvent utilisées aux fins d'acquérir et d'exercer la propriété collective du foncier et de l'immobilier. Les membres peuvent jouir de biens immobiliers moyennant la location de leur logement ou local à la coopérative ou l'achat de parts de la coopérative valant droit d'occupation.
Ces modèles de propriété collective se distinguent de la copropriété où chacun est propriétaire de son lot et d'une fraction de l'espace commun dans un immeuble.

Qu'est-ce que la participation en architecture et en urbanisme ?


La participation en architecture désigne une implication plus importante des parties prenantes du projet dans la production du projet relativement ce qui se pratique habituellement.
Dans le projet participatif, on tend à élargir le champ des collaborateurs du projet pour y inclure, par exemple, les futurs habitants d'un immeuble, les futurs employés d'un hôpital, ou la communauté d'un quartier en cours de réaménagement .
Cette démarche permet de mieux comprendre les besoins des habitants et usagers ce qui aide les professionnels à concevoir des projets les plus adéquats possibles.
La démarche participative se pratique aussi dans le cadre d'un projet porté par un groupe de personnes faisant office de maîtrise d'ouvrage. Chacun des besoins particuliers de chacune des parties prenantes en termes de configuration de ses espaces privés et des espaces communs deviennent des données du projet.
La perception du caractère participatif d'un projet est relative. La définition du degré de participation dans projet est fonction de la culture ou des pratiques de conception et de réalisation urbaines et architecturales dominantes dans son contexte.
Pour reprendre l'exemple de la conception d’un hôpital, un maître d'œuvre héritier d'une tradition où l'architecte conçoit seul considérera qu'interroger les futurs usagers d'un hôpital au cours de son processus de conception constitue une intégration importante de ses derniers au projet. Pour un autre architecte, commencer le projet par le dialogue avec les habitants et leur permettre d'évaluer le projet à chaque itération peut-être considéré comme la façon normale de faire de l'architecture.

La participation peut aussi être qualifiée par le besoin auquel elle répond et le type de parties prenantes qu'elle implique, ce qui peut varier en fonction du projet.
Ce qu'il est important de retenir, ce sont donc les principes des approches participatives : la diversité des expertises , la double casquette usager-concepteur, la mise en commun des ressources, l'intelligence collective. Quel que soit l'approche collaborative choisie, le but est produire des bâtiments qui répondent le mieux possible aux besoins de leurs commanditaires et bénéficiaires.

Comment les approches collaboratives dans le domaine de la construction permettent-elles de construire plus et moins cher, et d'offrir un meilleur cadre de vie ?


Mobilisation des financements et limitation des coûts du projet par participant.

Les pratiques collaboratives facilitent la mobilisation des financements et la limitation des coûts du projet par participant :
L'association d'un groupe d'habitants pour porter un projet peut permettre de limiter la surface foncier nécessaire au projet et de réduire les coûts structurels grâce à un projet plus compact.
Par exemple, un groupe d'habitants qui aurait autrement construit des maisons individuelles peut faire construire des maisons en bande ou un petit immeuble accueillant des appartements. A une échelle plus large, cela peut permettre de combattre l’étalement urbain et l’augmentation rapide des prix du foncier.
Les projets de logements coopératifs peuvent permettre de faire baisser les coûts des matériaux sains en faisant du volume de la demande un levier de négociation.
Dans certains contextes, les matériaux plus sains et locaux sont encore en usage minoritaire dans le secteur du bâtiment et de ce fait peuvent être relativement chers. L'effet de volume créé par la demande de matériaux au bénéfice d'une coopérative ou d'une union de coopératives peut permettre de réduire ces coûts. Une demande importante peut aussi conduire à la baisse du coût de la location ou de l'achat de machines permettant la fabrication de ces matériaux sur par les coopératives elles-mêmes.
L'approche collaborative permet de collecter des sommes qu'il aurait été difficile de mobiliser autrement.
Les porteurs de projets peuvent contourner l'obstacle du financement soit par la mise en commun de leurs ressources financières disponibles ou projetées, soit par le crowdfunding, l'appel aux dons ou aux prêts pour financer la construction ou l'achat.
Ces modes de financement ont fait leur preuves pour les projets communautaires et commerciaux, et on permis de financer des projets portés par des promoteurs. Ils restent à développer pour les projets d'habitat participatifs ou portés par des coopératives.
Les approches collaboratives permettent de réduire les coûts d'installation et de raccordement des réseaux pour les constructions neuves.
Dans des contextes ou les infrastructures d'approvisionnement et d'assainissement manquent, les propriétaires sont souvent obligés de mettre en place leurs propres installations pour bénéficier d'aménités comme l'électricité, l'assainissement et l'eau courante.
Acquérir la maîtrise d'un bien foncier et mener un chantier conjointement avec d'autres membres d'une coopérative ou d'un groupe d'habitants permet de répartir la charge financière que ces travaux représentent.
Les projets coopératifs et participatifs permettent de réduire la charge foncière par participant et de limiter la pression sur le foncier légalement disponible.
Dans un contexte ou seulement 10% du foncier est titré et mobilisable, et où les réformes foncières tardent à être implémentées, la construction de maisons individuelles avec jardin qui constitue le gros de la production de logement en Afrique ne peut conduire qu'à une augmentation brutale des prix du foncier. L'acquisition de foncier par des coopératives permet de répartir la charge foncière ( la part du foncier dans le coût final du projet) par acquéreur individuel.
Les pratiques collaboratives peuvent favoriser le développement du métier de promoteur en Afrique.
Lorsque le montage d'un projet participatif fait appel à un promoteur pour accompagner un groupe d'habitants, il garantit au promoteur d'avoir des acheteurs très en amont du projet, ce qui facilite la recherche de financements.
La participation des usagers ou futurs habitants au chantier peut permettre de faire des économies sur la main d'œuvre.

Amélioration de la qualité architecturale des bâtiments.

Les pratiques collaboratives contribuent à l'amélioration de la qualité architecturale des projets. En effet :
La constitution en coopérative ou en groupe d'habitants démocratise l'accès aux services des professionnels de la construction.
Aujourd’hui, 80% des constructions neuves en Afrique se font sans l’intervention d’un architecte. ​Les projets participatifs, du fait de leur dimension collective, ont en général des montants de travaux plus élevés que des projets de logement portés par des individus isolés et permettent donc au groupe de faire appel à des architectes. En effet, avec l'augmentation du montant des travaux, le pourcentage de ce montant dédié aux honoraires des architectes et autres bureaux d'études diminue.
Les approches collaboratives permettent de mieux prendre en compte les véritables besoins des futurs habitants et de créer des logements de qualitatifs et inventifs.
Les bonnes pratiques dans le domaine de l'architecture participative et de la co-conception en général sont de collecter les besoins réels des futurs usagers, afin de minimiser les inexactitudes dans la compréhension des données du projet. Cette démarche force le futur usager à se questionner sur ses véritables besoins et à s'assurer qu'il ne fait pas de confusion entre la description de son problème et la proposition d'une solution préconçue. Elle amène aussi l'architecte à prendre en compte l'utilisateur final et non un individu théorique. Il peut ainsi augmenter la satisfaction de bénéficiaires finaux du projet. L'intégration de perspectives et d'expertises différentes donne parfois lieu à des solutions architecturales non conventionnelles.
L'identification et la validation collective des problèmes donne la possibilité aux participants d'évaluer ensemble les solutions proposées par le chef de projet et son équipe sur la base de leurs besoins, de leurs contraintes et de leur latitude de négociation.
Les coopératives sont généralement plus conscientes des enjeux sociaux, économiques et environnementaux et ont donc tendance à créer des projets qui ont un meilleur impact socioéconomique et environnemental.
L'émergence des formes de participation à l'architecture est depuis les années 50 est liée à des problématiques sociales et économiques. Aujourd'hui la résurgence des coopératives est poussée non seulement par la montée des inégalités d'accès au logement mais aussi par la volonté de porter en communauté des pratiques environnementales responsables.
Ces pratiques sont souvent au croisement de la performance économique et écologique, comme le fait d'utiliser la terre excavée sur ou à proximité du site comme matériau de construction. Les expériences récentes en Europe montrent des groupes d'habitants qui tiennent à leurs valeurs de respect de l'environnement même lorsqu'elles s'avèrent plus difficiles à mettre en œuvre que des options concurrentes. Cela indique une capacité des coopératives et des groupes d'habitants à être moteurs dans l'adoption de modes de construction plus vertueux.

Conception d’une vie communautaire agréable.

La participation en architecture peut avoir pour objet la conception d'un mode de vie commune au-delà de la réalisation ou de l'acquisition d'un bâtiment .
Cela se manifeste le plus souvent par le choix démocratique des valeurs qui seront partagées par le groupe et la rédaction d'une charte de vie en communauté afin de favoriser une cohabitation paisible et fructueuse.
Porter un projet en groupe permet de maîtriser les espaces partagés et les interfaces entre les parties privatives et publiques.
Les habitants participent aussi à la conception des espaces extérieurs, de l'interface avec la rue et des circulations à l'intérieur du projet. C'est l'occasion de se doter d'espaces extérieurs agréables et sécurisés ouverts ou non sur la ville dans des agglomérations qui en manquent malheureusement souvent.
La gestion coopérative de l'habitat permet de limiter la flambée des prix du foncier qui menace l'accès durable à un logement abordable pour tous.
Les coopératives n'ayant pas pour but de faire du profit, le prix des biens immobiliers appartenant à la coopérative n'augmentent que de façon raisonnable relativement à l'inflation. Cela permet à de nouveaux habitants d'acheter des droits d'habitation des années après la construction des biens à des prix abordables, quelles que soient les évolutions du marché immobilier. Ainsi , ces pratiques contribuent à créer une ville inclusive et à réduire les inégalités.

Création de richesse économique et socio-culturelle

Les pratiques collaboratives peuvent être mises au service de la création de richesse économique et socio-culturelle. En effet :
Même les projets d'habitat peuvent être rendus productifs par l'inclusion dans le programme d'éléments rentables dont le coût de construction est partagé entre tous les membres.
Cela peut se manifester par la location de machines ayant été acquises dans le cadre du chantier, la création d'espaces commerciaux donnant sur rue attenants ou non aux logements, la provision de jardins potagers, de logements ou espaces destinés à la location, la production d'électricité etc.
Les projets immobiliers peuvent être conçus dans le cadre d'une stratégie commerciale plus large.
Les coopératives agricoles ou commerciales peuvent aussi porter des projets d'immobilier. Dans ces cas, il faut donner une importance particulière à la multifonctionnalité et à l'adaptabilité des bâtiments.
Les projets collaboratifs peuvent être l'occasion d'offrir des services au reste de la communauté.
Espaces et assises publiques, points d'eau, de recharge d'appareils électroniques ou d'accès au Wi-Fi sont autant de services que les communautés d'habitat participatif ou coopératif peuvent offrir à leur ville.
La participation d'une communauté à un projet urbain ou architectural favorise une perception positive des nouveaux projets.
Lorsque les habitants d'un quartier ou d'un village sont consultés au cours du processus conception urbaine ou architecturale et que leurs avis et leur expertise sont pris en compte, ils sont plus susceptibles d'accepter le projet. De même, lorsque les habitants participent à la réalisation et à la conception de leur lieu de vie, ils s'en sentent responsables et en prennent soin. Le projet peut devenir leur accomplissement et susciter une fierté qui améliore le bien-être psychologique communautaire.
La participation des habitants à la définition de l'esthétique de leur projet peut contribuer à la création d’un patrimoine culturel architectural local.
Les projets coopératifs peuvent apporter plus d’harmonie à la ville grâce à la cohérence de leurs constructions dans des quartiers qui manquent d'unité stylistique.
Les approches non conventionnelles de conception et l'implication des communautés dans l'élaboration formelle d'un projet peuvent donner lieu à des projets à l'identité distincte qui deviennent un patrimoine culturel partagé par les habitants.

Les différentes formes de participation : contextes et applications

Il existe différentes façons d'utiliser la collaboration pour surmonter les contraintes du projet en fonction du contexte et de l'aspect concerné. En ce qui concerne les coopératives cela peut se décliner dans les buts poursuivis ( construction, financement ou gestion du bâti ?), le fonctionnement interne , ou encore le rapport à la maîtrise du foncier.
En ce qui concerne la participation des habitants à la conception et à la réalisation du projet architectural ou urbain, les différentes pratiques sont définies en partie par les aspects sur lesquels porte la participation. Ces pratiques ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent être adoptées conjointement pour un même projet.

La participation à l'élaboration du programme.

On retrouve ce type de démarche participative dans les contextes où le concepteur, la communauté ou les pouvoirs publics souhaitent améliorer les conditions de vie dans un territoire mais ne savent pas précisément quel type de projet peut le mieux contribuer à cet objectif. C'est souvent le cas dans les quartiers dont les problèmes sociaux et économiques sont complexes.
Cette démarche est aussi adaptée lorsque la communauté n’exprime pas de besoin clair, ou qu’il semble a priori impossible de répondre au besoin constaté. Cela demande une nouvelle analyse et une réévaluation des besoins.

La participation a alors pour but d'établir le dialogue entre les membres de la communauté pour qu'ils puissent exprimer et s’accorder sur leurs besoins prioritaires. Ils définissent ainsi ensemble les usages du futur bâtiment.
La co-programmation peut aussi servir à déterminer l'affectation des mètres carrés supplémentaires créés dans le cadre d'un projet d'habitat participatif.
L'avantage de la participation au stade de la programmation est particulièrement visible dans les projets d'intérêt public, il augmente l'acceptabilité des projets portés par les autorités publiques.

La participation à la conception des espaces.​

Dans le cadre d'un projet d'habitat, les membres du groupes peuvent exprimer leurs besoins en termes de surfaces, configuration des pièces, orientation. Ils peuvent aussi exprimer des besoins plus complexes liés au style de vie et aux préférences personnelles qui amènent les architectes à préciser de plus en plus les espaces, en soumettant leurs propositions à l'avis des participants au fur et à mesure. L'architecte doit concilier les différentes demandes dans un projet cohérent.
Dans certains cas, les futurs locataires ou acquéreurs se voient présenter des logements standards qu’ils peuvent partiellement adapter à leurs souhaits.
Ce type de démarche est aussi possible dans le cadre de la conception d'un projet d'espace public.

La participation à la définition esthétique du projet

La définition de l'esthétique du projet par les futurs habitants va de soi lorsque le projet est destiné à leurs futurs logements. Cependant ce type de participation peut aussi être pertinent lors de la conception d'édifice public.
Dans le cas du Dawiid Klaste Community Center (voir encadré plus haut), les habitants avaient souhaité que le projet reflètent les symboles et l'esprit du lieu : taureau, moulin à vent, scorpion géant. L'esthétique avait été complétée par une œuvre d'art mural, l'art mural étant emblématique de l'architecture traditionnelle sud-africaine .
Ce type de participation doit cependant se faire dans le respect des règles d'urbanisme en vigueur. Si l'impact esthétique sur la ville ou le cadre est potentiellement radical, l'aspect formel du projet doit être approuvé par la majorité de la communauté.
En plus des futurs usagers et de la communauté locale, la démarche peut impliquer les artistes et artisans locaux. La définition d'une esthétique propre à la communauté dans laquelle elle s'inscrit peut favoriser un sentiment d'identité fort.

La participation au financement du projet

Faire appel au financement participatif est pertinent dans les cas où:
On souhaite financer un projet à but lucratif dont la rentabilité est assurée par des prêts. En effet, les prêts bancaires sont souvent offerts à des taux d'intérêts exorbitants dans les pays africains.
On souhaite lever des fonds sous forme de dons pour la construction d'un bâtiment d'intérêt public destiné à des personnes défavorisées.
On souhaite mettre en commun les ressources de plusieurs ménages pour pouvoir acquérir des biens ou des services qu'il aurait été plus cher de se procurer autrement.

​Cette démarche doit se faire en présence d'un intermédiaire de confiance, ou dans un contexte ou la pression communautaire peut dissuader les individus malintentionnés de faire un mauvais usage des sommes collectées.

La participation au chantier avant livraison

La participation des futurs usagers au chantier est pertinente lorsqu'un budget réduit justifie de confier aux professionnels les seules tâches qui ne peuvent être réalisées que par eux, ou de réduire l'emploi de main d'œuvre coûteuse au minimum.
Les personnes qui ont un intérêt personnel dans la réalisation du projet ( futurs habitants et leurs proches, bénéficiaires et membres de la communautés ) sont mis à profit pour participer à la construction.
Pour la réussite de ce type de projets, il faut veiller à ce que les co-constructeurs comprennent suffisamment le projet et soient un minimum formés pour pouvoir prendre des décisions mineures sur le chantier. C'est particulièrement important s'ils participent à la réalisation du gros œuvre.
Un professionnel expérimenté doit au préalable concevoir le projet en prenant en compte la participation de non professionnels au projet. Il doit avoir posé un cadre clair pour permettre la participation des usagers.
La participation au chantier est un moyen pour les usagers de s'approprier le projet et de s'en sentir responsables. Elle permet de susciter des vocations et est une occasion de former les membres de la communauté aux métiers de la construction.

La participation à l'évolution du projet après la livraison

Dans ce cas de figure, le bâtiment est livré partiellement achevé et est conçu de façon à pouvoir être agrandi ou surélevé. Une autre déclinaison de cette approche dite incrémentale est la livraison d'un volume qui peut être ultérieurement aménagé par les habitants via la réalisations de planchers et de circulations verticales.
Cela est pertinent quand le budget de construction ne permet pas de répondre au besoin en termes de surface, mais que les habitants ont manifestement la capacité et les moyens de compléter leur logement au fur et à mesure.
Cette approche nécessite que les possibilités d'extensions structurellement sûres et des règles esthétiques aient été définies durant la phase de conception et que les travaux techniques plus complexes à faire soi-même comme l'installation des réseaux d'eau soient réalisés dans la partie du bâtiment livrée. Les choix structurels permettant une liberté d'aménagement intérieur doivent être privilégiés.
Les bénéfices de cette démarche sont une livraison plus rapide et à moindre coût pour le promoteur, la coopérative ou la maîtrise d’ouvrage publique. Cela limite aussi l'endettement des ménages et leur donne l'opportunité de vivre dans un logement assez grand pour accueillir toute leur famille.
Il faut noter que ce type de participation est critiqué car on craint que la disparité entre les extensions du logement nuise à l'esthétique globale du projet.
On peut répondre à cette objection que même si la culture architecturale semble faire défaut dans les villes contemporaines du sud global, les humains ont auto construit leurs logements pendant longtemps et nous on légué de beaux exemples d'architecture. Un encadrement et une formation des habitants peuvent permettre d'éviter de tels effets négatifs.

Opportunités économiques liées aux approches collaboratives du projet urbain et architectural

D'après la banque mondiale, chaque projet immobilier crée en moyenne 5 emplois en Afrique. Mais ce n'est pas suffisant pour que ce secteur contribue à une prospérité durable et transforme ses effets négatifs en effets positifs.
La démocratisation des pratiques collaboratives et les opportunités économiques qui en découlent peuvent être la clé pour désembourber le secteur de la construction. L'approche collaborative peut favoriser l'émergence d'acteurs indispensables à un écosystème de la construction sain par l'augmentation du volume des constructions, par la création de nouveaux besoins et en stimulant la demande pour une architecture saine pour l'économie, la société et l'environnement.
Ci après nous présentons quelques opportunités économiques que la généralisation de la participation et la croissance du mouvement coopératif peuvent susciter directement ou indirectement dans le secteur du bâtiment.

L’éducation et la formation

L'augmentation du nombre de personnes capables de porter un projet immobilier va entraîner la hausse de la demande pour les services des architectes.
Il faut actuellement autour de 6 ans pour former un architecte, et environ dix ans pour devenir un architecte expérimenté. Pour répondre à la demande, il va falloir à la fois trouver les moyens de former au plus vite les architectes et de répondre à la demande immédiate, tout en formant les autres professionnels du secteur. Quelques opportunités à saisir dans le domaine de la formation seront :
Le développement formations aux métiers du bâtiment sur chantier tireront parti de l’augmentation du nombre de chantiers.
Le développement de pré-formations aux écoles d'architecture et aux métiers de l'architecture en option dès le lycée permettant des équivalences ( entrée en école d'architecture en deuxième ou troisième année) ainsi que de l'apprentissage en école d'architecture afin de diplômer des professionnels prêts à entrer sur le marché du travail.
Le développement d’une offre d’autoformation pour répondre au besoin exprimé par les maîtres d’ouvrage de se former à la gestion de projet afin de maîtriser le projet, même lorsqu’ils sont accompagnés par des professionnel.

Les tiers de confiance

Des outils de transparence et de sécurisation doivent être mis en place pour palier au déficit de confiance qui caractérise des économies peu productives et pourrait décourager la collaboration. Ce pourraient être :
La mise en place de plateformes de gestion de projet participatif permettant de visualiser en toute transparence :
Les contributions financières de chacun et l'usage des fonds communs
Le recrutement des membres dans la coopérative ou le groupe d'habitants
Le partage des documents liés au projet
Modifications de leurs unités d'habitations par les habitants etc.
L'émergence d'intermédiaires spécialisés dans l'achat et la sécurisation de foncier tels que les offices fonciers solidaires, ou les entreprises spécialisées dans la titularisation du foncier.
La mise en place et la consolidation de plateformes décentralisées permettant de d’attester de la propriété des biens fonciers.

Les prestations juridiques et financières

Quelques opportunités économiques dans les domaines juridiques et financiers sont :
Le développement des activités notariales.
La création de cabinets d'avocats spécialisé dans le montage de projets immobiliers et la sécurisation du foncier, la rédaction de contrats passés entre les coopératives et leurs partenaires .
La création d’offres de prêts immobiliers à taux réduits alimentée par les ONG, les établissements de micro-crédit ou des fonds d'investissement privés.

La production et le stockage des matériaux

L'accroissement du nombre de projets collectifs en milieu urbain va conduire à une augmentation de l'envergure des chantiers. Ceci aura pour corolaire un besoin de surfaces de stockage des matériaux de construction plus importantes en milieu urbain ou proche des villes.
Une autre conséquence potentielle de l'adoption massive des pratiques coopératives peut être des pics de demande ponctuels (par opposition à une demande plus ou moins régulière de la part de clients individuels). Certains fabricants de matériaux pourront privilégier la fabrication des matériaux sur commande ( comme les briques de terre par exemple).
Enfin, le besoin de faire des économies en utilisant les matériaux locaux va créer une demande pour les terres issues des chantiers urbains, ce qui crée la nécessité d'un acteur spécialisé dans la collecte et le mise en valeur des terres de tel ou tel territoire.

Les services communautaires

Le pouvoir de négociation des coopératives va leur permettre de s'offrir des services de qualité à moindre prix pour les parties prenantes. Il peut s'agir de la fourniture d'un accès à internet rapide qui peut être mutualisé, du gardiennage ou des services à la personne, ou encore de la fabrication d'énergie sur site.

L’accompagnement de la maîtrise d'œuvre ou d'ouvrage

Les architectes devront être accompagnés par des professionnels qualifiés dans l'accompagnement des projets d'habitat participatifs.
Les bénéficiaires pourront mandater les promoteurs pour porter leur projet et faire interface avec les professionnels.
Les groupes d'habitants pour faire appel à des assistants à maîtrise d'ouvrage ou d'usage pour faire interface avec les professionnels

Culture et médias

Le développement d'expositions et de biennales d'architecture pourra répondre à la demande d'architectures plus authentiquement africaines ou caribéennes.
Ce sera aussi une opportunité de développer des médias d'inspiration proprement africains dans le domaine de l'architecture et de l'espace.
Il sera possible de monétiser les médias communautaires destinés aux professionnels ou aux groupes d'habitants grâce à la publicité des entreprises du secteur.

Certification, normes et sécurité

Une accélération du nombre de constructions risque dans un premier temps d'aller de pair avec l'augmentation du nombre d'accidents sur le chantier. Les entreprises vont devoir démontrer leur expertise et leurs compétences grâce à des certifications.
Des bureaux d'études spécialisés dans le contrôle sécurité et qualité vont émerger pour répondre à ce besoin et sécuriser les chantiers et le bâtiment en usage. Les équipements de sécurité sur le chantier seront de plus en plus demandés.

L’évolution des équipes de Maîtrise d’Œuvre

Les exigences de qualité environnementale couplées au changement climatique vont favoriser la création de bureaux d'études spécialisés dans le domaine de la thermique et du bilan environnemental en Afrique.
La verticalisation de l'habitat et l'utilisation de matériaux alternatifs va permettre le développement des bureaux d'études spécialisés dans le domaine de la structure et des matériaux alternatifs.
La pratique architecture d'intérieur peut gagner en importance pour répondre aux besoins de personnalisation des habitants.

Une étude de cas : l'Ecole Primaire de Gando phase I

Description sommaire du projet

Résumé

Cette école est le premier projet de l'architecte germano-burkinabé et lauréat du prix Pritzker 2022 Francis Diébédo Kéré. Les obstacles principaux à sa réalisation étaient le financement du projet et la disponibilité des matériaux. Ces obstacles ont été surmontés par le financement participatif , en utilisant la latérite locale comme matériau principal et en faisant participer tout le village à la construction.
Carte d'identité du projet
Information
Détail
1
Nom du projet
Ecole de Gando Phase I
2
Année de livraison
2001
3
Lieu
Commune de Gando /Département de Tenkodogo/Province de Boulgou/ Région Centre-Est/Burkina Faso
4
Programme
Trois salles de classe et leurs espaces extérieurs
5
Surface
520 m²
6
Architecte
Francis Diébédo Kéré
7
Maître d'ouvrage
Communauté de Gando / Fondation Kéré
8
Usagers/ bénéficiaires
Communauté de Gando
9
Matériaux et techniques
Brique de terre stabilisée, béton, fer à béton, tôle ondulée, menuiseries métalliques
10
Budget total
22750000 / 37600 $/ 34680 €
11
Montant des travaux
17 375 000 FC/ 28716 $ / 26486 €
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Montage juridique et financier du projet

Une association au bénéfice de laquelle tous les projets portés par Francis Diébédo Kéré à Gando ont été réalisés a été créée .Cette association est plus tard devenue une fondation.
Nous ne savons pas quelle influence la communauté du village détient au sein de cette fondation. Toujours est-il que les bâtiments d’intérêt public construits à Gando et l'écosystème financier qui les entoure ne sont pas la propriété d'un individu mais de la fondation.

Le besoin et le programme : une école thermiquement confortable

Depuis son enfance, Diébédo Kéré est conscient du besoin d’une école dans son village, puisqu'il a dû le quitter à l'âge de sept ans pour aller étudier en ville. Le rêve de doter son village d’un établissement scolaire ne l'a jamais quitté, même lorsqu'il est allé étudier en Allemagne. Au fil du temps, la solution s'est imposée à lui: il allait construire le projet lui-même, avec la participation des habitants de son village.
En effet, l'autre alternative aurait été d'attendre un temps indéterminé que le gouvernement construise une école probablement peu adaptée au regard des contraintes climatiques locales ( béton, parpaing, toit en tôle non surélevé...). Kéré quand à lui souhaitait doter son village d'un bâtiment durable et de qualité, loin des salles de classes surchauffées dans lesquelles il avait étudié.​

Comment les contraintes ont-elles été surmontées dans le projet?

Le déroulement du projet de Gando Phase I


Kéré étant fils du chef de village, la première étape du projet a été de convaincre son père qu'il fallait que la communauté prenne en main la situation et se charge de construire l'école elle-même. Il a ainsi intégré bien en amont de son projet les autorités de l'espace socio-culturel dans lequel le projet était amené à s'inscrire. Cette démarche est recommandable pour tous les projets d'intérêt public, tout spécialement dans le contexte africain.
De retour à Berlin où il étudie il conçoit le projet tout en se renseignant sur le matériau brique de terre et les techniques de construction traditionnelles. Il visite plusieurs carrières dont on extrait l'argile.
Des techniques constructives traditionnelles simples et saines existent et ont démontré leur robustesse et leur pertinence au fil des siècles. Construire d'une façon qui contribue à la santé des écosystèmes africains peut demander de réapprendre celles-ci afin de s'écarter des pratiques plus répandues mais plus dommageables pour l'environnement , la société et l'économie.
Une fois le projet conçu, il retourne à Gando pour convaincre l'ensemble de la communauté du bien-fondé de son projet. Il y rencontre des résistances car le matériau terre est associé dans l'imaginaire des habitants à une architecture de moindre qualité.
Par conséquent l'architecte a dû faire preuve de pédagogie pour convaincre les villageois que son projet était en réalité plus approprié et plus performant qu'un projet en béton ou en parpaing.
Cette démarche pédagogique s'est poursuivie jusque sur le chantier où il a continué à expliquer les détails de construction et de mise en œuvre aux participants.
La mauvaise perception du matériau terre est malheureusement répandue tant en Afrique que dans le reste de la Diaspora. Elle est dûe :
- A la mauvaise mise en œuvre du matériau terre dans les campagnes qui produit à des bâtiments peu durables.
- A l'influence des modèles occidentaux associés dans la conscience collective à la richesse et à la modernité.
En effet, il est important même chez les moins fortunés de projeter une certaine richesse quand bien même ce serait au prix d'un manque de confort thermique et d'une faible performance énergétique.

L'utilisation de matériaux locaux et la participation des villageois au chantier a permis de faire des économies.


Le standard de qualité thermique que l'architecte s'était fixé pour le projet a occasionné une certaine complexité du projet relativement à d'autres constructions scolaires et ce qui représentait un coût important pour le village de Gando.
La surélévation de la couverture en tôle ondulée pour éviter la surchauffe des salles de cours, la réalisation d'un plafond en briques perforées pour la circulation de l'air, et la supervision du chantier par un architecte résidant normalement à l'étranger expliquent un montant des travaux relativement haut pour un bâtiment de trois classes construit au Burkina Faso.
Cette qualité structurelle et le caractère bioclimatique du projet étant non négociables, il a fallu faire preuve d'ingéniosité en ce qui concerne le financement, le choix des matériaux et la main d'œuvre. Pour financer ce projet, Kéré a fait appel aux dons de la part de ses camarades et collègues Il désigne ces dons comme leur "argent de café" de ses connaissances.
Malgré l’importance de la somme collectée, l'architecte a tout mis en œuvre pour que la somme collectée ne soit dépensée que lorsque cela était absolument nécessaire :
Il s'est servi de la latérite, abondamment disponible sur site. Elle constitue la plus grande partie du volume de matériaux utilisés.
Le béton a été employé uniquement là où il était indispensable. Il a par exemple utilisé de la pierre en complément pour les fondations.
La réalisation de fondations et l'achat des matériaux ont respectivement représenté 28% et 62% du montant des travaux. Par conséquent, la main d'œuvre a été le principal poste de réduction des coûts.
L'architecte a fait appel à la communauté, en plus des artisans et professionnels pour la mise en œuvre.
La participation a varié de la fabrication des briques au transport de l'eau en passant par le polissage des sols et la fabrication de la charpente en fers à béton. Toutes les catégories sociales du village ont participé à l'effort selon leurs capacités.

L'absence d'éducation formelle des participants a constitué une difficulté qui a été surmontée par la communication pédagogique.


Faire participer les habitants à la construction n’est pas chose évidente. Ceux ci peuvent ne pas connaissance du vocabulaire et des concepts qui sont familiers à l'architecte.
Pour transmettre les informations indispensables à la réalisation du chantier, Diébédo Kéré s'est appuyé sur un projet architectural bien défini et maîtrisé en amont. Cela lui a permis d'expliquer de façon concrète et pratique tous les éléments du projet aux ouvriers.
Cette explication s'est faite via des maquettes en terre ou à l'échelle 1 permettant de faire comprendre les plans et de tester la solidité de la structure, ou des dessins simples réalisés sur place dans le sable. ​L'architecte ne s'est pas contenté de donner des ordres mais s'est assuré que la totalité du projet était maîtrisée et comprise par tous les ouvriers.
Preuve de l'efficacité de sa pédagogie, les bâtisseurs étaient capables en l'absence de l'architecte de prendre des décisions et de s'adapter de façon autonome afin de faire progresser le chantier.

Les rapports entre les parties prenantes du projet


Pour l’Ecole de Gando, le projet était à l'initiative de l'architecte. Il était donc à la fois concepteur et bénéficiaire, puisqu'il fait partie de la communauté qui a exprimé le besoin.
C'est un avantage pour le projet, car cela l'a aidé non seulement à comprendre et connaître les besoins spécifiques à son village, mais aussi à communiquer de façon efficiente avec sa communauté. Le fait d'être fils du chef du village et d'avoir bénéficié d'une éducation formelle a aussi pu l’aider à mieux se faire entendre par la communauté.
En dépit de ses compétences, l'architecte a toutefois compris que son rôle était de poser un cadre que les participants pourraient s'approprier. Il ne s'est pas contenté de donner des ordres, mais a également pris en compte les idées de la communauté.

Les bénéfices de la réalisation du projet et de la participation au chantier des bénéficiaires

L'impact du projet sur le bien-être des habitants


Des centaines d'élèves sont passés sur les bancs de l'école à Gando.
Cette école est seulement le premier projet d'un écosystème éducatif dans le village.
Les élèves, en plus de la possibilité d'étudier proche de chez eux, bénéficient d'un accompagnement tout au long de leur scolarité via la fondation Kéré.
La construction de l'école a amélioré le maillage éducatif de la région.
Les élèves de Gando ont vu la distance qui les séparait de l'école réduite et peuvent désormais étudier dans des conditions climatiques optimales.
​Mais l’impact va au-delà du village : les autres localités ont été inspirées à construire leurs propres écoles avec les mêmes savoir-faire et matériaux.

L'impact du projet et de la participation au chantier sur l'économie et la situation financière des habitants


Le coût de la co​nstruction n'a pas pesé sur la communauté grâce au modèle de financement participatif à but non lucratif.
La participation au chantier a créé des opportunités économiques car les habitants ont pu mettre en œuvre les techniques apprises sur ce chantier et d'autres dans d'autres projets dans la région et être rémunérés pour cela. L'architecte rapporte que certains des ouvriers ont pu faire des acquisitions qui n'étaient auparavant accessibles qu'aux expatriés.
La réussite du projet a attiré l'attention internationale ce qui a augmenté la notoriété de la fondation Kéré qui améliorer la qualité de vie dans le village.
Gando peut aujourd'hui bénéficier d'une certaine forme de tourisme qui bénéficie aussi à l'économie du village.
4 génération d'écoliers ont pu faire augmenter le niveau d'éducation dans la région. Le niveau d’éducation est positivement corrélé aux revenus financiers.

L'impact du projet et de la participation au chantier sur le plan culturel


Un nouveau modèle architectural pour la région.
Francis Kéré a, avec son insistance sur l'usage des matériaux locaux et/ou facilement procurables, son attention au confort climatique et à une certaine esthétique moderne, a inauguré un modèle architectural alternatif aux types de bâtiments occidentaux. Il est reproduit par les habitants de la région et essaimé par les participants à ses précédents chantiers. Petit à petit une identité architecturale commence à se former.
Une fierté pour les habitants de Gando.
Le caractère unique et reconnaissable des projets, comme la participation des habitants à sa construction a redonné une certaine fierté à la communauté de Gando. Cette fierté et cette définition identitaire sont des éléments qui contribuent positivement au bien-être du groupe.

Les limites du projet et les pistes pour les dépasser


Le budget total semble assez élevé malgré les efforts entrepris pour abaisser le coût du projet.
L'architecte répond à cela en mettant en avant la durabilité et le confort de ce bâtiment par opposition à d'autres projets potentiellement moins chers.
Les aller-retours de l'architecte entre Berlin où il étudiait et le chantier ont pesé dans le budget final.
Cela pourrait être contourné en formant des architectes locaux à l'architecture frugale et durable.
La brique de terre compressée stabilisée utilisée dans le projet reste un matériau carboné.
Bien qu'il ne nécessite pas toujours l'extraction de gravier et de sable, il consomme de 4 à 10% de ciment selon le type de terre disponible. Heureusement tous les projets ne nécessitent pas de stabiliser la Brique de Terre et la recherche se poursuit pour trouver des alternatives au ciment. Chaque fois que possible, les méthodes constructives qui ne font pas appel au ciment doivent être privilégiées.

Conclusion

Les défis urgents auxquels font face les Afriques ne peuvent être affrontés qu'avec une approche différente: une approche écosystémique. Une des manifestations de la pensée écosystémique est la coopération et la participation en architecture.
La mise en commun des ressources et l'association des individus permet de diminuer le poids de certaines contraintes allant du nombre de constructions à réaliser d'ici 2050 ( passant de 340 millions à 120 millions selon qu'on fait l'hypothèse de l'habitat groupé ou de l'habitat individuel) à la pression sur le foncier en passant par le prix des matériaux de construction locaux.
Ce premier guide était donc consacré aux pratiques collaboratives parce que nous pensons que la sortie de l’impasse ne se fera pas premièrement par une augmentation volume de logements, mais par une augmentation du nombre de ménages capables d'obtenir un logement. En effet, le pourcentage de ménages qui peuvent acquérir un nouveau logement au prix le plus bas du marché local était de moins de 5% dans 22 pays d'Afrique et ne dépassait les 50% que dans 8 pays d'Afrique en 2021.
Se focaliser avant tout sur la capacité des ménages à obtenir un logement par la collaboration plutôt que sur l'augmentation de l'offre conventionnelle permet de s'appuyer sur leur ingéniosité et leurs ressources immatérielles pour produire ces logements, et de veiller à ce que les plus pauvres qui sont aussi les plus vulnérables aux conséquences du mal logement, puissent se loger.
Si ces approches font écho aux fonctionnements observables dans des écosystèmes sains, elles ne suffisent pas à transformer totalement les systèmes africains et particulièrement les secteurs de la construction des différents pays. En effet, tous les processus d'un système doivent travailler en conjonction pour produire les résultats escomptés : loger décemment 2,6milliards d'afrodescendants.
Il existe d'autres processus, complémentaires ou alternatifs à la participation et aux coopératives qui ont le potentiel transformer les systèmes africains en améliorant son cadre bâti. Ces approches feront l’objet d’autre guides. Vous pouvez vous tenir informés de ces prochaines publications en vous inscrivant à notre newsletter
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